Etude de cas n°1

La première partie de mon examen final a eu lieu ce matin à Lisbonne. Observée par Paul Newton et Edward Yu, ainsi que d'autres étudiants du groupe, je donnais une séance d'Intégration Fonctionnelle (IF) de 45 minutes à une personne que je rencontrais pour la première fois, et qui n'avait jamais pratiqué le Feldenkrais.


L'entretien :
De carrure assez imposante, je lui propose de s'asseoir sur la table et nous commençons à discuter. Il sait que la méthode Feldenkrais travaille sur le mouvement et la conscience. Il me parle de sa rupture au tendon d'Achille il y a un an qui lui donne des difficultés dans la marche même s'il a été opéré et qu'il est complètement remis. Je remarque qu'il a les genoux ouverts et les deux pieds vers l'extérieur. Il se tient très droit et me paraît assez rigide. Son autre préoccupation est son bras droit : il a une douleur récurrente entre les omoplates et de temps en temps il sent qu'il n'a pas de force dans le bras, par exemple pour ouvrir et fermer sa porte à clef. Il mime un geste lent dans une direction, s'arrête et referme la porte imaginaire avec le même effort. Il s'endort habituellement sur le dos ou sur son côté gauche. Tant mieux, j'allais justement lui proposer de s'allonger sur son côté gauche dans l'idée de laisser sa cheville affaiblie complètement au repos. Avant de l'allonger, je l'invite à faire quelques pas et j'observe — et entends — qu'à chaque pas il « tombe » sur son pied gauche.


Ma ligne directrice : Construire un chemin squelettique depuis le bassin jusqu'au bras sur le côté, le clarifier et l'intégrer sur le dos à partir du pied


La leçon :

Partie 1 :

Joao s'allonge sur le dos et je lui propose de sentir sa façon d'être allongé sur la table dans le but de pouvoir comparer après la leçon. Il sent ses épaules symétriques mais il sait qu'elles ne le sont pas et précise qu'on n'est pas symétrique.

Après l'avoir installé confortablement sur son côté gauche, je commence par dessiner délicatement son omoplate droite avec mes doigts puis m'intéresse aux mouvements possibles de son épaule. Je me rends compte de sa masse musculaire et j'ai l'impression que rien n'est possible pour le moment. Je ne détecte aucune direction facile pour la bouger. Je me rends au bassin, le lui dessine également et l'invite à rouler quelques centimètres en avant, ce qui me semble aller tout seul. Vers l'arrière c'est difficile. Ravie, je tiens quelque chose. Je pense à Sabine Pfeffer qui aime conseiller d'aller avec les préférences de l'élève.

Je m'intéresse au rapport avec ses côtes, donne de la longueur au carré des lombes côté plafond, différencie bassin et côtes, les fais rouler ensemble. Je prends le temps tout en douceur d'allonger ses extenseurs tout le long de la colonne tout en écoutant sa respiration calme dans mes gestes. Il ferme les yeux par moments. Je reviens à l'épaule : une main sur l'épaule, l'autre sur sa colonne ou ses côtes à différentes hauteurs je l'emmène en avant, en arrière. Les deux mains sur son épaule, je me rends compte qu'elle peut maintenant dessiner des jolis cercles plutôt larges dans les deux sens : toutes les directions sont devenues possibles.
Dans l'idée de donner de la longueur à son côté droit pour y trouver de la légèreté dans ses gestes, je décide de construire une grande torsion : côté droit du bassin vers l'avant, bras droit vers l'arrière. Je sais que c'est un pari complexe pour une première IF. J'ai dans l'idée que l'amélioration de la torsion pourra aussi l'aider dans la marche.

Partie 2 :

En utilisant les contraintes bras-tête, je l'emmène à se tourner vers la droite pour regarder vers le plafond. Une fois en torsion, je place mes doigts légers sur ses côtes à différents endroits en suivant et en y invitant sa respiration. Je sais que je devrai chercher plus d'extension : son bassin a envie de rouler un peu en arrière comme s'il manquait de longueur dans la colonne vertébrale et d'espace dans la partie molle entre les côtes et le bassin.

Je me dirige vers les jambes. Dans cette position il ne m'est pas possible de soulever son talon droit vers le plafond, par contre il y va très loin avec l'avant du pied, ce qui coïncide avec ses genoux et pieds ouverts vers l'extérieur quand il était assis pendant la discussion. Je lui montre la chaîne du pied à la hanche avec les différenciations dans les orteils, la cheville et le genou, et son bassin roule encore mieux vers l'avant. Voyant l'heure avancer, je retourne vers son bras que je tire gentiment vers le haut en sentant la connexion avec les côtes et la colonne jusqu'au bassin. N'osant pas mettre ma main sur son ischion, je pousse quelques fois sa hanche droite vers sa tête et me confirme qu'elles sont joliment connectées.


Partie 3 :
Joao retourne sur son dos. Il me dit qu'il sent tout son dos en contact avec la table et qu'il n'y avait pas porté attention au début. Je remarque le mouvement de sa respiration dans ses côtes. Je lui fais plier ses genoux et l'invite à rouler son bassin en amenant chaque genou au dessus du pied. Dans cette position je décide de clarifier à nouveau le chemin pied-bassin du côté valide d'abord puis du côté affaibli. Puis je lui fais sentir le chemin pied-bras d'un côté puis de l'autre en allongeant son bras et en lui demandant de rouler lui-même son bassin.


Conclusion : Il revient assis et je lui suggère de tester à nouveau l'ouverture et fermeture de sa porte imaginaire. Le mouvement dans les deux directions et d'une direction à l'autre est léger, rapide et fluide. Il a l'air content. Dans sa marche, il ne sent pas de grosse différence mais je remarque qu'il touche le sol avec son pied gauche de manière plus délicate qu'avant la leçon ce qui me réjouit, son torse est aussi devenu plus flexible. J'explique à Joao que la méthode Feldenkrais s'attache au sensoriel et que plus il est attentif aux sensations nouvelles qu'il percevra au cours de sa journée, plus la leçon sera bénéfique.


Mes erreurs : Voulant respecter Joao, je n'ai pas osé le mettre dans une position utile à la torsion au début de la leçon : replier plus ses genoux, mettre le bassin en extension, allonger son bras côté table plus vers l'avant. Paul m'a conseillé après la leçon de commencer par clarifier les jambes et le bassin avant de construire la torsion dans la partie haute avec le bras en arrière : c'est plus facile. Je me rends compte que je n'ai pas du tout pensé à lui faire sentir les mouvements côté table, rouler les côtes vers l'avant, allonger la partie molle entre les côtes et le bassin. Je regrette également de n'avoir pas eu plus de temps pour ajouter de l'extension, notamment en invitant l'avant de la cage thoracique à s'ouvrir vers le plafond.

Myriam Audin, 1er mai 2022